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Accéder aux cieux des alpinistes

Une boucle de 1500 km en vol-bivouac au coeur du Karakoram

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Au cours de leur expédition de six semaines au Pakistan, Damien Lacaze et Antoine Girard ont parcouru plus de 1500 km en seulement 14 jours de vol, effectué le deuxième vol le plus haut dans l’histoire du parapente, bivouaqué à plus de 6000 m et tenté l’ascension du Spantik, qui culmine à plus de 7000 m. Une aventure aux frontières extrêmes de ce qui s’avère humainement possible.

Le départ de l’expédition près de Skardu, dans le nord du pays, commence très bien pour les deux  Français Damien Lacaze et Antoine Girard, aventuriers du vol libre : les conditions de vol sont excellentes. « Nous avons dû faire l’effort volontaire de ne pas voler à plus de 6800 m », explique Damien, « sinon, nous n’aurions pas pu nous acclimater à l’altitude extrême. » Le premier vol s’avère quasiment parfait.

„Quelques suspentes, un bout de tissu, et en quelques tours de thermiques, tu atteins des endroits dont les alpinistes rêvent toute leur vie.“

Antoine Girard

Premier revers dès le début

Vient alors le premier atterrissage. Le terrain, un col en pente douce avec quelques blocs de pierre, paraît simple. Mais les pilotes transportent des provisions, de l’eau et de l’équipement, soit plus de 35 kg chacun dans une sellette bondée. Ils dépassent ainsi d’environ 15 kg la plage de poids homologuée de leur aile et volent à plus de 4000 m d’altitude.

Combinée à une charge alaire élevée, la densité réduite de l’air rend leurs ailes très rapides. « Pour cet atterrissage, comme pour presque la moitié de mes atterrissages au Pakistan, j’ai choisi la technique sur les fesses », avoue Damien sans ciller. À une vitesse de près de 50 km/h à l’atterrissage, courir n’est pas vraiment une option.

„Pour presque la moitié de mes atterrissages au Pakistan, j’ai choisi la technique sur les fesses.“

Damien Lacaze

Antoine se pose un peu plus loin, mais il tente de rester debout. Sa cheville ne résiste pas à la charge et il se blesse sévèrement. « Moi, dans cette situation, j’aurais mis un terme à l’expédition », raconte Damien. « J’ai dit à Antoine qu’il ne devait pas continuer juste à cause de moi. »

Mais Antoine ne serait pas Antoine Girard s’il avait abandonné dès le premier revers. Alpiniste et détenteur du record d’altitude en parapente, il prend vite une décision : « Je continue. »

„Moi, dans cette situation, j’aurais mis un terme à l’expédition.“

Damien Lacaze

Une seule option : voler

Antoine ne peut plus marcher et les deux pilotes changent de stratégie. « Nous nous sommes toujours posés en altitude, côté ouest d’un col, par exemple », explique Damien. Ainsi, le terrain d’atterrissage choisi le soir se situe souvent tout près du terrain de décollage pour le lendemain. Dans l’intervalle, le duo bivouaque en général à 5000 m d’altitude. Les deux pilotes parcourent ainsi des kilomètres sans croiser âme qui vive.

« Nous avons souvent commencé à chercher un atterro adapté dès 16 h », indique Damien quant à leur tactique. Chaque atterrissage précoce leur permet ainsi de ne pas prendre de risque de se poser en fond de vallée et donc d'eviter les longues heures de marche jusqu’au prochain déco. Mais se poser tôt signifie aussi se poser dans les conditions thermiques dynamiques de la haute montagne, souligne Damien : « Quand une pompe monte à 8 m/s d’un côté de la crête, tu dois pour ainsi dire toujours passer sous le vent, du côté à l’ombre, pour pouvoir descendre. » Une telle situation exige une concentration maximale et une totale maîtrise de son aile.

Damien échoue pourtant une fois à mettre cette tactique en œuvre. Il se pose au fond de la vallée près d’un petit village qu’il a longtemps eu du mal à distinguer depuis les airs. Au sol, il est immédiatement cerné par les habitants, excités par le parapente – ils n’en ont jamais vu et chacun veut toucher au moins une fois ce tissu mystérieux qui lui permet de voler. Damien finit par replier son matériel et lorsqu’il veut se remettre en chemin pour rejoindre Antoine, qui s’est posé plus haut, les villageois lui prennent ses bagages des mains et l’accompagnent jusqu’à la crête. « Je n’ai pas eu le droit de porter mon sac à dos sur le moindre mètre », se souvient Damien en riant.

Échapper au Spantik

Lorsque les deux aventuriers atteignent Karimabad, la météo change et ils doivent sans cesse reporter leur départ pour le Spantik. Après une semaine d’attente, une fenêtre de beau temps s’ouvre enfin. Bien que la base ne soit pas assez élevée pour aller se poser sur un plateau du Spantik situé à 6200 m, Damien et Antoine décident de tenter leur chance.

Les deux pilotes effectuent le vol de 40 km entre Karimabad et le Spantik dans une configuration de vol ultra light, sellettes strings sans secours à la place de leur cocoon habituels. « Dans des thermiques atteignant parfois 13 m/s, ça peut faire peur », commente Damien. Arrivés au pied du Spantik, ils se battent pour refaire de l’altitude. Il ne leur manque que quelques mètres pour pouvoir atteindre le seul endroit adapté sur ce plateau à 6200 m. Ils finissent par y parvenir et se posent lourdement dans la neige profonde.

Mais la météo se dégrade plus vite que prévu. Tandis qu’ils gravissent le sommet, le lendemain, le vent forcit, il se met à neiger et le manque d’acclimatation se fait peu à peu sentir. Les deux pilotes progressent à peine et décident d’abandonner. Pas question d’envisager un décollage en parapente.

Antoine souffre de l’altitude, un possible œdème cérébral. Il doit redescendre coûte que coûte. Les deux acolytes décident donc de décoller le plus vite possible malgré la neige profonde et le brouillard et préparent leurs ailes pour un vol à l’aveuglette. Dès que le vent se présente dans le bon sens, ils s’élancent. Ils ont de la chance : l’épaisseur de la couche nuageuse ne fait que 600 m. Antoine se manifeste bientôt à la radio, il va mieux, l’air plus dense le soulage.

Cette fuite précipitée en parapente dure une heure et leur permet de parcourir 35 km. Pour couvrir la même distance, des alpinistes auraient mis une semaine.

Accéder aux cieux des alpinistes

Voilà précisément la fascination que suscite le parapente en haute montagne, s’enthousiasme Antoine : « Quelques suspentes, un bout de tissu, et en quelques tours de thermiques, tu atteins des endroits dont les alpinistes rêvent toute leur vie. »

Une semaine plus tard, Antoine et Damien prennent le chemin du retour, de Karimabad à Skardu. Ils survolent le glacier du Baltoro, longent les tours du Trango, font un peu de soaring au Broad Peak et font signe aux cordées, sous leurs pieds.

L'Equipement

OMEGA XALPS 2

OMEGA XALPS 2

Damien only

SQR Light

SQR Light

Secours léger

Le Team

Damien Lacaze

Damien Lacaze est alpiniste et pilote de compétition, de distance et de biplace. Il a participé au X-Alps 2017 en tant qu’assistant pour Benoît Outters et pris la première place lors du Bornes to Fly 2017. En 2019, Damien espère pouvoir participer au X-Alps en tant qu’athlète.

Antoine Girard

Antoine Girard, alpiniste, aventurier et pilote de parapente, a entre autres fait parler de lui en 2016, lorsqu’il a survolé le Broad Peak. En plus du record d’altitude en parapente, il détient aussi le record du vol le plus long au Pakistan. Il a fini troisième du X-Alps 2013 et quatrième lors de l’édition 2015.