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Tous ou pas du tout

Pourquoi un VolBiv dans l’Himalaya est un pur travail d’équipe

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En octobre 2018 Fred Souchon, Marc Gallien et Martin Beaujouan se mettent en route au départ de la frontière Indo-Népalaise en direction de l’ouest. Ils voulaient voler selon un itinéraire encore inexploré au coeur du massif Himalayen vers Zanskar. Ce vol bivouac de distance a présenté des défis inattendus à l’équipe parce que les sentiments et les décisions personnelles doivent être respectés dans toute expédition. Selon Martin.

Après plusieurs heures de montée très raide nous atteignons Munsyari. Une imposante couche de neige recouvrait le Nanda Devi qui s’élevait au loin. Avec ses 7,816 mètres c’est la plus haute montagne de la partie indienne de l’Himalaya. Après une nouvelle pause, nous décollons de notre site d’envol de haute altitude. Le villageois agitent les mains en signe d’au revoir. Nous sommes d’excellente humeur, impatients de vivre notre aventure vers Zanskar. Nous atteignons déjà un plafond de 4.000 mètres en quelques minutes. Il fait nettement plus froid là-haut. Nous poursuivons lentement notre chemin en suivant la chaîne de montagnes vers l’ouest.

Voler en trio présente des inconvénients. C’est pratiquement impossible pour nous trois de progresser de manière égale dans le même thermique. Il faut un certain temps avant de pouvoir passer le même relief de façon groupée. Après il faut commencer à chercher un endroit pour atterrir et bivouaquer ; mais où? La vallée sous nos pieds est extrêmement profonde, et les possibilités sont donc exceptionnellement réduites. On survole un relief et on découvre enfin une espace dégagé sur une pente orientée vers l’est. Ca devrait marcher. Aujourd’hui l’atterro est sous le vent, mais demain matin ce sera indiscutablement un bon spot de décollage.

Atterrissages en catastrophe sous le vent

Marc se dirige droit dessus. Il bataille en approche du côté sous le vent – et fait un atterrissage catastrophe sur la pente. C’était un véritable défi – sans aucun doute. Nous sommes Fred et moi encore assez haut en l’air. Je peux même faire du soaring sur l’autre côté du relief. Mais on a décidé de rester ensemble, donc on va aussi se poser là. Un fort vent de face de 25 km/h souffle sur la crête. Donc on rencontre un important gradient dès qu’on passe sous le vent. J’arrive à attraper l’élément ascendant du rotor et je peux atteindre ainsi la seule partie plate du site en battant de l’aile. J’y suis arrivé!

Les choses ne se passent pas aussi bien pour Fred. Il a atterri dans la dégueulante, et l’impact a été fort : avec son poids plus le matériel qu’il porte. Fred me dira plus tard : “Ca a été un atterrissage super dur! Ca m’a fait vraiment mal.” Le lendemain matin son pied est tout bleu et vraiment enflé. On ne peut pas continuer le vol. On a donc pris toute la journée pour descendre 1.200 mètres de dénivelé dans une région sans aucun sentier pour atteindre enfin le prochain village. A pied et en taxi on a fini par arriver à l’hôpital trois jours plus tard. Nous sommes atterrés par un diagnostic sans appel : Fred s’est cassé la cheville.

„Nous sommes atterrés par un diagnostic sans appel : Fred s’est cassé la cheville.“

Martin Beaujouan

Zanskar – tous ensemble ou pas du tout

Pour Fred l’aventure est terminée. Marc et moi nous changeons nos plans. C’est donc le train et l’avion qui nous amènent directement vers la cerise sur le gâteau de notre aventure himalayenne de volbiv : Zanskar. Notre site de décollage se trouve de façon très pittoresque juste à l’endroit où la vallée du Zanskar rejoint celle de l’Indus. Le paysage est tout simplement grandiose. Toutes les nuances de brun-gris de la terre, le vert des peupliers et les drapeaux multicolores de prière offrent un contraste saisissant avec le bleu profond du ciel. On s’envole avec nos 30 kilos d’eau dans nos sacs, bien décidés à traverser par les airs une des régions montagneuses les plus inaccessibles. Les conditions sont particulièrement exigeantes. La vallée, qui s’étend pendant des centaines de kilomètres devant nous, est très étroite.

„Mais malgré tout, je reste super motivé pour explorer une des vallées les plus reculées sur terre, suspendu à un bout de tissu par quelques suspentes.“

Martin Beaujouan

Marc semble hésiter. Je prends l’initiative et montre le chemin. Marc reste dans le thermique. Il continue à zéroter en enroulant, sans prendre d’altitude. Quel est son problème? Les derniers jours ont été éprouvants pour nos nerfs. De temps en temps les doutes nous ont assaillis. On songe au risque de blessure, ou pire ; une faute en vol ou une mauvaise appréciation de la météo. Mais malgré tout, je reste super motivé pour explorer une des vallées les plus reculées sur terre, suspendu à un bout de tissu par quelques suspentes. Marc, au contraire, a l’air de réaliser seulement maintenant ce que le vol bivouac dans l’Himalaya veut vraiment dire. “Qu’est-ce qui se passe, Marc?“ Je peux deviner. “Mon expérience de voyage se termine ici; je retourne vers Leh en vol.” me répond-il.

Voler seul est-il une option?

J’essaie de surmonter ma déception. Toute une partie de moi brûle de poursuivre l’aventure. Je ne peux pas abandoner l’occasion de voler dans un endroit pareil juste comme ça. Mais Marc a le réchaud et la gamelle dans la poche dorsale de sa sellette – et sans eau chaude on n’a pas de nourriture convenable! Je reconnais que c’est une pensée très égoïste ; et puis je pense à ma femme Aurélie qui est enceinte et qui m’attend à la maison. Un vol en solo dans la vallée du Zanskar pourrait complètement bouleverser ma vie familiale. J’embrassai du regard ce panorama absolument époustouflant de haute montagne, ici sur le toit du monde. Et puis moi aussi je me dirigeai vers Leh.

Retour à la civilisation

On a décidé de passer les derniers jours de notre voyage de trois semaines dans la Mecque du parapente de Bir, et on y est allés en minibus. Dans la dernière partie de ce périple ardu j’ai volé du col du Rohtang à 3,978 mètres. Quand on vole à Bir le triangle classique de 200 km est un must. Tout simplement splendide! Finalement on a rassemblé notre courage pour tenter encore une courte aventure de vol-biv avec un aller/retour vers Manali. On est restés un petit moment à enrouler avec les vautours. L’un d’eux particulièrement inexpérimenté s’est approché dangereusement près de moi – et sans plus de formalités s’est trouvé pris dans mes suspentes. Mon pouls s’est accéléré. L’oiseau majestueux se débattait, ses plumes volaient. Au bout de quelques seondes il a fini par s’échapper, sans dommage. Waouh, ça a été chaud! Le souvenir de cet incident restera un bon moment dans nos mémoires.

„La blessure de Fred et la décision personnelle de Marc ont clairement montré les limites et les risques du vol bivouac.“

Martin Beaujouan

On n’aura battu aucun record de distance pendant notre aventure de volbiv en Inde, mais on aura eu notre comptant de défis. La blessure de Fred et la décision personnelle de Marc ont clairement montré les limites et les risques du vol bivouac. Et quand on est engagés ensemble en équipe les sentiments et les décisions de chaque individu sont à respecter. Quand ça marche c’est magique! Quand ça ne marche pas, alors il y a toujours des raisons de recommencer.

L'Equipement

OMEGA XALPS 2

OMEGA XALPS 2

Ready to Race

LIGHTNESS 2

LIGHTNESS 2

Le Team

Fred Souchon

Fred est un pilote de parapente, un alpiniste et un guide de haute-montagne enthousiaste. Sa profession est d’être guide-secouriste à Chamonix.

Martin Beaujouan

Martin est un moniteur de parapente et il dirige l'école de parapente AlpWind à Chamonix. Il a traversé le Kyrgyzstan en vol bivouac avec Fred. Il a aussi volé 2,700 km à travers le Chili et le Pérou avec Antoine Girard.

Marc Gallien

Marc vole depuis les années 1980 et il a toujours travaillé depuis comme moniteur de vol libre. Il était un des membres de l’équipe qui a tenté le premier vol des 6.768 mètres du Huascaran au Pérou.