Au Brésil, les deux fameux hauts-lieux du vol de distance, Quixadá et Tacima, ne sont pas sans difficultés. L’un dispose d’un déco exigeant, l’autre implique de survoler des terres difficilement praticables alors que le dénivelé est faible. Cela faisait donc longtemps qu’Andy Flühler, organisateur de voyages de vol libre et spécialiste du Brésil, cherchait un nouveau point de départ pour réaliser de longs vols. Lorsqu’il a fini par trouver son bonheur, sur l’aérodrome provincial de Caico, il a d’abord fallu mener des négociations acharnées avec les autorités. Après cette étape obligée, il a enfin été possible de treuiller les premiers parapentes vers le ciel et de s’attaquer à un projet de longue date : avec le soutien de l’équipe d’Andy, un groupe des meilleurs membres de la ligue XC suisse allait tenter de battre le record de distance actuel de 564 km.
La journée débute dès 6 h 30. Avec un vent qui souffle à 30 km/h, le gonflage cobra est indispensable. Ensuite, le pilote se retourne, le câble est légèrement tendu et les véhicules démarrent lentement, puis accélèrent avant de foncer sur la piste longue de 1000 m. Les deux treuils haut débit qui ont fait le voyage, eux aussi, sont efficaces et permettent à chaque fois à deux parapentes de décoller parallèlement. Une fois le largage effectué, à 950 m/sol, les câbles redescendent lentement sous leur parachute de freinage. Avant même qu’ils aient touché le sol, ils sont de nouveau enroulés. Les pilotes des treuils et les assistants maîtrisent chaque geste. Sept minutes après le décollage, les pickups sont à nouveau en début de piste. Prêts à décoller, les deux pilotes suivants lèvent le pouce.
Dès les premiers vols, les pilotes suisses prennent conscience qu’au-dessus de la plaine brésilienne, le vol de distance nécessite des capacités très différentes de celles dont ils ont l’habitude dans les Alpes. Orientation, étendues infinies, vent fort, vautours urubus capricieux et tant d’autres défis les attendent… « Sans GPS, impossible de savoir dans quelle direction voler », raconte Patrick.
Si l’orientation est difficile, le jour, tout devient plus simple le soir. Une seule chose compte encore : voler droit vers le soleil jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière l’horizon, à 17 h 50. Et quand ce moment est venu, il reste précisément un quart d’heure pour glisser le plus loin possible, choisir un atterro, se poser quelque part dans la pampa et plier son aile pendant les ultimes minutes qui diffusent encore un peu de clarté. À 18 h 05, il fait alors nuit noire. C’est le seul moyen d’exploiter une journée entière, jusqu’à la dernière minute. C’est le seul moyen qui permet d’avoir une chance de voler plus loin que tous les pilotes avant nous.
Ce qui rend cette aventure de vol de distance au Brésil si particulière, c’est à quel point cette région est isolée et la vie encore dénuée de tout, ici. Les gens sont d’une rare gentillesse et rayonnent de joie de vivre, alors qu’ils n’ont quasiment rien et vivent à la campagne dans des conditions extrêmement simples. Après l’atterrissage dans la pampa, à part le Spot, on se retrouve généralement sans aucun contact avec le team et donc livré à soi-même. Souvent, il faut alors marcher un peu avant de tomber sur une maison ou une zone habitée. Un « Bom dia » chaleureux permet presque toujours de nouer un lien avec la population locale. La communication se fait essentiellement à base de signes et gesticulations des pieds et des mains. Toujours prêts à rendre service, les Brésiliens enfourchent volontiers une mobylette et vous emmènent à travers la piste poussiéreuse jusqu’à la route goudronnée la plus proche, où le service de récupération finira par venir nous chercher.
Sur les réseaux sociaux, les followers attentifs de Chrigel Maurer ont déjà reconnu les prototypes ADVANCE sur les photos et les films. Oui, une IMPRESS 4 avec prolongement dorsal a bien été testée et oui, elle est équipée d’une planche d’assise. Qui d’autre que Chrigel Maurer, le père de la série des IMPRESS, nos sellettes position allongée adaptées à tous, serait capable de tester et d’évaluer sous toutes les coutures cette nouvelle sellette au cours de vols de onze heures et plus ? Concernant les parapentes ADVANCE, en revanche, ce fut plus compliqué. Après quelques jours, l’aile de distance à deux rangées de suspentes conçue pour Chrigel était tellement déréglée qu’elle ne permettait plus de voler de manière satisfaisante. Les pros du parapente et les pilotes d’essai ont l’habitude de travailler sur les ailes et de les trimer, la nuit, afin de rajuster les réglages. Mais sur place, les moyens étaient trop restreints et Chrigel a dû reprendre sa Boomerang, n’utilisant que rarement le proto OMEGA de Patrick. En revanche, Patrick a pu accumuler plus de 50 heures de vol sous cette nouvelle merveille, et transmettre ses premiers feedbacks à notre service développement, à Thoune, depuis le Brésil.
« Nous avons abordé cette aventure en tant que team ; ensemble, nous avons pu atteindre bien plus que si chacun l’avait vécue seul », résume Chrigel Maurer. « Même si les journées se sont avérées moyennes à cause du vent faible, quatre pilotes de notre groupe ont pu réaliser des vols de plus de 500 km, alors que seuls cinq pilotes y étaient parvenus jusqu’alors. » Après le décollage par équipes de deux, les pilotes ont résolument tenté de réaliser chaque vol ensemble afin de trouver plus facilement la meilleure ligne possible. Si le team a été particulièrement efficace dans les airs, il l’a aussi été au sol. « Sans un service de récupération parfaitement organisé, nous n’aurions jamais pu réaliser tout cela en l’espace de deux semaines », indique Chrigel. Et même avec ce service, il n’a pas été possible de voler tous les jours parce que le voyage retour prenait généralement plus de temps que le vol.
Si ça n’a finalement pas suffi pour battre le record du monde, ça a permis à chacun de vivre d’innombrables expériences personnelles et événements marquants. Chrigel en est sûr : « Nous referons une tentative l’année prochaine, parce que le vol de distance dans ces contrées reculées du nord-est du Brésil fait encore partie des aventures authentiques. »
Adrian Seitz, Michael Sigel, Jan Sterren, Leandro Padua (pilote brésilien), Dio (chauffeur), Zoio (chauffeur), Patrick von Känel, Vagner Campos (pilote brésilien), Christian Erne, Gebi Abächerli, Simone (aide à l’organisation), Wagner (chauffeur), Chrigel Maurer